Mer de Glace & Charpoua
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La Mer de Glace et les refuge de la Charpoua et du couvercle

13 septembre 2019 : premier jour. Randonnée jusqu'au refuge de la Charpoua par la Mer de Glace.


Départ

Le 13 septembre 2019, par un chaud petit matin d'été indien, Pascal et moi nous levâmes tôt. Après un petit déjeuner pris en vitesse en état de demi-sommeil, nous montâmes en voiture, en direction du massif du Mont Blanc, pour y réaliser un rêve commun, une randonnée alpine dont nous parlions depuis des années, depuis que nous nous connaissons. La veille, nous avions pris des renseignements sur la montée au refuge de la Charpoua. La fonte de la Mer de Glace provoquant sa baisse régulière de hauteur, les anciennes échelles, scellées dans la roche au-dessus d'un sol mouvant, sont à présent trop hautes et inaccessibles aux alpinistes. On a choisi de les abandonner et d'en fixer de nouvelles plus en amont du glacier. Bien que notre lever matutinal eut dû nous permettre de passer la journée à marcher en montagne, nous prîmes déjà du retard sur la route. Nous n'avions pas prévu la fermeture pour travaux de la route des gorges de l'Arly. La déviation par Héry sur Ugine empruntait une étroite route de montagne que, seul, à vélo, j'eus appréciée, mais qui me sembla, par ses nombreux lacets, et ce col supplémentaire à passer, une perte de temps aussi regrettable qu'inévitable. Cependant, les routes de montagne sont belles, le paysage change constamment, mais en voiture cette modification permanente de la position et de la perspective peut produire une forme de vertige. Ici, la brièveté de la déviation m'en empêcha. Nous retrouvâmes la fin de la route des gorges au bout de quelques kilomètres. Après Megève, Saint-Gervais-les-bains, puis Chamonix, nous arrivâmes aux Bois, le point de départ de notre aventure pédestre.


L'itinéraire du premier jour, des Bois à la Charpoua.

Les Bois

Le soleil, qui n'était encore qu'au début de sa course, nous éclairait d'une belle lumière entourant toute chose d'un halo qu'on ne peut voir qu'en automne. Nous baignions dans une agréable douceur. Le temps de préparer nos sacs pour deux jours en montagne, celui pour moi d'aller remplir nos gourdes de l'eau fraîche et goûteuse d'une fontaine, de vérifier une dernière fois que tout était prêt, et nous voici en route sur le sentier qui nous permettrait de rejoindre la Mer de Glace. Alors commença le spectacle successif des curiosités naturelles ou artificielles occupant ces lieux, découvertes au fil de notre marche. Ce furent déjà l'héliport du peloton de gendarmerie de secours en haute montagne, où un hélicoptère semblait se reposer, attendant un client désolé de devoir lui faire appel, et cependant heureux de monter à son bord, puis le pont sur l'Arveyron et ses flots tumultueux rappelant en miniature la fougue des dieux fluviaux antiques. Nous plongeâmes ensuite dans une accueillante et dense forêt de résineux. Le sentier ne tarda guère à s'élever en lacets, que Pascal, semblant obéir, comme à chaque fois, à une irrésistible impulsion, coupa dans la pente. Voulant un début de randonnée tranquille, car je ne me sentais pas encore en bonne forme, l'étant rarement au début du jour, j'essayai de m'y opposer, mais aucune de mes jérémiades ne put venir à bout de son envie, au demeurant justifiée par la longueur de la sortie prévue et son dénivelé. Je dus le suivre. Nous rejoignîmes peu après le chemin facile du Montenvers venant de Chamonix, où je pus me reposer, bien que je préférasse doubler les troupeaux de touristes marcheurs plus attirés par les relations sociales propres à leur groupe, ou par la bière qu'ils s'offriraient bientôt, que par le sublime des lieux. A cette allure rapide, nous ne tardâmes guère à apercevoir la fameuse buvette du Montenvers, souvent le seul objectif des touristes qu'on peut y croiser. Pour certains, c'est même l'occasion, après s'être désaltérés au prix d'un conséquent allégement de leur porte-monnaie, de dépenser l'argent qui pourrait leur rester après la bière en y dînant, et même, pour les plus fortunés d'entre eux prêts à débourser une somme exorbitante pour passer une nuit originale, d'y dormir dans les arbres, dans des abris à l'étrangeté attirante quoique construits à l'économie (c'est dire la rentabilité importante de l'installation, ce qui constitue le premier critère motivant un haut savoyard à entreprendre une action quelle qu'elle soit).

La buvette du Montenvers.

Après une brève exploration du lieu et la découverte, sur la gauche du chemin de la gare, du sentier descendant au glacier, indiqué comme dangereux, hésitants, nous y interrogeâmes la serveuse pour savoir s'il était possible d'accéder à la langue de la Mer de Glace par cet itinéraire, ou s'il fallait aller tout d'abord au Montenvers, puis descendre sur le glacier par les échelles. Elle nous précisa que, selon notre expérience, le chemin dangereux était empruntable à nos risques et périls ; la veille au soir, un groupe remontant en sens inverse était resté coincé en bas, elle avait dû allumer des lumières pour les aider à retrouver le sentier. Bien que toujours hésitants, nous choisîmes tout de même l'itinéraire le plus direct. Aller au Montenvers était une perte de temps, nous devions arriver au refuge avant la nuit. Ce chemin est aussi celui qu'empruntent ceux qui font la vallée blanche en ski pour remonter de la langue de la Mer de Glace jusqu'à la buvette.

Un glacier lunaire.

Arrivé au bord de la Mer de Glace, je lui trouvai un étrange aspect. On eût dit un assemblage hétéroclite de monticules de fine terre grisâtre fondus les uns dans les autres. Nous devions la traverser, puis remonter du côté opposé. Nous mîmes ce projet facile et vite conçu à exécution, puis commençâmes à remonter le glacier, qui, à cet endroit, est entièrement recouvert de rochers instables et de farine. Ce fut dangereux, mais faisable avec le pied sûr. Parfois, un arbre miniature, poussant dans un endroit propice où les vents avaient amené un peu de terre, mettait de la vie et du vert dans ce lieu lunaire et gris. Au bout d'un moment, continuant à monter, nous vîmes le Montenvers sur notre droite.


Une partie rocheuse chaotique de la Mer de Glace.

Nous avions fait le bon choix. Nous arrivâmes enfin sur la partie presque plane de la Mer de Glace, peu recouverte de farine, de pierres ou de rochers, et marchâmes plus d'une heure dans ces bonnes conditions, adhérant bien au sol sans avoir besoin de nos crampons.

Un moulin glacé.

Plus loin, un moulin, dû à la circulation de l'eau sur et dans la glace, avait creusé son chemin sans se soucier des hommes. Il nous empêchait de rejoindre tout à fait le bord du glacier et les échelles à prendre pour aller au refuge. Nous cherchâmes un endroit propice à sa traversée sans crampons, sans forte pente empêchant d'adhérer à la glace mêlée de pierres et d'un peu de poudre de rochers. Un autre randonneur eut la bonne idée de nous montrer le chemin en traversant devant nous.


La Mer de Glace, un mélange de rocher, de glace et de farine de roche mêlés.

Nous le suivîmes et finirent par le rejoindre. Le lendemain, nous devions à nouveau le croiser en descendant du refuge du couvercle. La montagne est grande, mais leurs vrais amoureux sont peu nombreux. On croise souvent les mêmes personnes sur les sentiers escarpés où les touristes ne s'aventurent pas.

Des échelles.

Nous continuâmes de remonter la pente douce de la Mer de Glace, cette fois en étant près de son bord qui, partout, est une falaise qui ne se peut franchir que par l'escalade en chaussons, ou grâce aux échelles placées pour permettre l'accès aux refuges situés en surplomb.


Photo de Pascal publiée avec son aimable autorisation. Retrouvez-la ici sur son blog.

Partis des Praz à 1062 mètres au-dessus du niveau de la mer, nous trouvâmes les échelles exactement mille mètres plus haut. Nous pûmes enfin quitter le monde de la glace pour celui du rocher. Une longue ascension commença, avec de nombreuses échelles, des marches en fer et des mains courantes pour assurer notre sécurité. Avec une longe de via ferrata munie de trois mousquetons, dont un attaché au baudrier, nous plaçames chacun des deux autres mousquetons à tour de rôle sur les échelles pour qu'à tout moment au moins l'un d'entre eux nous attache à un élément de métal ancré dans le roc. Au début, sur la paroi qui délimitait le côté de la Mer de Glace, l'ascension fut purement verticale pendant peut-être une centaine de mètres. Le vide sous nos pieds était impressionnant. Puis, des traversées alternèrent avec des échelles parfois verticales, mais souvent inclinées. La fin de l'ascension fut longue. Epuisé par l'altitude, les heures de marche, l'effort de l'ascension et la concentration, toujours nécessaire face au danger objectif, ma progression se fit de plus en plus lente, sans que j'y puisse changer quelque chose. J'entendis Pascal dire tout haut, tout en se parlant à lui-même, "alors, comme ça, ta limite est de 1800 mètres..." Moins fatigué que moi, je le ralentissais inutilement, alors que le jour commençait à décliner. Il m'abandonna peu avant l'arrivée au refuge. Enfin, progressant comme un automate, exténué mais heureux, j'arrivai moi-même au refuge de la Charpoua, 2841 mètres au-dessus du niveau de la mer, avec le coucher du soleil.

Une soirée de réfugiés.

Pascal, et une douzaine d'alpinistes et de randonneurs, s'y trouvaient déjà. Fatigué, je levai la tête et leur souris péniblement. J'étais heureux et soulagé d'être enfin arrivé. Je fus surpris de voir autant de gens, alors que le refuge, bien qu'ouvert, n'était plus gardé. Malgré ma lassitude, j'examinai rapidement les lieux. A droite de l'entrée se trouvaient deux niveaux de couchages. Une place était déjà occupée par des matelas supplémentaires empilés. Il y avait assez de matelas pour tout le monde, mais deux personnes devraient mettre le leur sur le sol. A gauche, la cuisine, avec des étagères et une cuisinière à gaz, dont seuls deux feux fonctionnaient, nous donnait la garantie d'un repas chaud, un vrai plaisir après les efforts et la fatigue de la journée. Nous avions tous deux une faim de loup. Mais avant, le coucher du soleil nous pressait de venir le contempler. En haute montagne, c'est un moment merveilleux lorsque le temps est beau, le ciel dégagé comme ce soir-là. Nous eûmes droit à un coucher de soleil majestueux derrière les contreforts des Drus, l'arête des Flammes de Pierre, dont le profil d'un gros bloc se détachait, que nos compagnons d'un soir appelèrent "la Bougie". Par manque d'énergie, mon appareil photo daigna fonctionner pour une seule photo. J'immortalisai ainsi ces couleurs vives et cependant nuancées du tableau qui s'offrait à nous, bleues, jaunes, orange, rouges et violettes, tandis que les chevaux d'Eole entraînaient son char de l'autre côté de la terre.


Le soleil se couche sur le contrefort des Drus.

Le spectacle terminé, le festin pouvait commencer. Pascal cuisina une raclette d'emmental râpé que je trouvai délicieuse. Une bonne partie d'un énorme saucisson fut aussi de la fête. Lorsqu'enfin tout fut terminé, nous nous couchâmes, sans pouvoir choisir nos places, chacun sur un étage différent. Je sentis alors mon cœur, auquel je n'avais pas prêté attention jusque-là, battre plus vite qu'à l'ordinaire. Sans doute un effet de l'altitude et de la fatigue, pensai-je. Cela m'empêcha de m'endormir. La taille modeste du refuge nous forçait à nous serrer les uns contre les autres. Je ne pouvais me retourner sans gêner mes voisins. Immobile pour ne pas les déranger, je restai éveillé ainsi longtemps. Puis je finis par perdre toute notion, toute perception, tout d'abord de l'heure, puis du temps qui passe, enfin du fait même d'être conscient...

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